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La vulnérabilité et la résilience : un thème d’actualité

Un intérêt croissant pour les questions de vulnérabilité et de résilience marque la littérature économique depuis une vingtaine d’années et en particulier celle en économie du développement (Angeon & Bates, 2015). Les travaux relevés portent aussi bien sur une tentative de définition de ces notions que sur leur caractérisation empirique  quelles que soient les échelles d’application retenues (pays, territoires, socio-écosystèmes, etc.). Un consensus émerge dans la littérature présentant ces deux notions comme symétriques l’une de l’autre pour une évaluation à un instant donné. La vulnérabilité est ainsi couramment définie comme étant le degré d'exposition d’un système (ici un pays) à des chocs exogènes (Adrianto & Matsuda, 2004; Briguglio, 1995; Guillaumont, 2009, 2010, 2015, 2017; Turvey, 2007) alors que la résilience désigne la capacité d'un système à résorber un choc ou à résister à son impact (Adrianto & Matsuda, 2004; Briguglio, 1995; Dabla-Norris & Bal Gündüz, 2010; Guillaumont, 2009, 2013, 2015, 2017 ; Guillaumont & Wagner, 2013; Rose & Krausmann,  2014).

Une mesure de la vulnérabilité et de la résilience

Ces définitions courantes de la vulnérabilité et de la résilience ont orienté les démarches de mesure empirique. Plusieurs batteries d’indicateurs existent. Pour n’en citer que quelques-uns, voir les contributions de : Adrianto & Matsuda (2004), Atkins et al. (2000), Briguglio (1995), Briguglio et al. (2009), Cariolle et al. (2016), Guillaumont (2009, 2010, 2015, 2017), ONU (2008, 2011), SOPAC (2005), Turvey (2007), Wells (1997). L’indicateur le plus connu est sans nul doute l’indicateur de vulnérabilité économique (EVI) produit par l’Organisation des Nations Unies (ONU).

Calculé pour les pays en développement, cet indicateur est aujourd’hui utilisé pour déterminer les critères d’allocation de l’aide internationale. Revisité en 2011, l’EVI intègre désormais un sous-indice environnemental. Néanmoins, l’EVI comme les autres indicateurs mentionnés antérieurement gagne à être complété par des variables de durabilité conformément à l'invite de la Banque Mondiale (2008) – relayée par le Sommet de la Terre en 2012 (Rio+20) – à raisonner la croissance en termes durable et inclusif. Encore faut-il une méthode robuste de sélection des variables. A ce titre, le NVRI contribue à affiner l’évaluation de la vulnérabilité et de la résilience.

L’indice net de vulnérabilité-résilience (NVRI)

Pour répondre à cet objectif, l’indice net de vulnérabilité-résilience (NVRI) a été conçu (Bates et al., 2014 ; Angeon et Bates, 2015 ; Bates et Angeon, 2015). Il apporte une contribution méthodologique qui enrichit les démarches existantes de conception d’indicateurs sur une base holistique dans la philosophie du développement durable. Le NVRI est en effet multidimensionnel, évite la redondance entre les variables le constituant et les différencie selon leur rôle en matière de vulnérabilité et de résilience. Il peut en outre être calculé pour tout type de pays (développés comme non développés), ce qui facilite la comparaison dans l’espace et dans le temps. Enfin, le NVRI se présente comme un tableau de bord susceptible de pointer le résultat à un instant donné des trajectoires de développement d'un pays, d'en évaluer les progrès et de définir de manière plus efficiente les critères d'aides à leur allouer. A ce titre, le NVRI contribue à affiner l’évaluation de la vulnérabilité et de la résilience.

Le NVRI fournit un étalon de mesure de la durabilité du développement conformément aux programmes d'actions opérationnels définis par les organisations internationales. Ces dernières imposent le développement durable comme un moyen pour les pays d'atténuer, de s'adapter ou d'endiguer les chocs qu'ils subissent, réduisant ainsi leur vulnérabilité. La question de considérer des dimensions autres qu'économiques dans les moteurs de la croissance et du développement des pays est dès lors présentée comme un élément central de leur résilience.

La logique du NVRI

Deux étapes clés ont guidé la construction du NVRI. La première étape du NVRI a été initiée par la recherche, dans la littérature, de variables pertinentes et représentatives de chacune des dimensions du développement durable. Sur cette base, un ensemble initial de variables a été déterminé. La deuxième étape de construction du NVRI a consisté à réduire l’ensemble initial en éliminant les variables redondantes. Ce processus de sélection de variables est établi via l’algorithme B2A. Mobilisant la théorie des graphes, l’algorithme B2A permet de déterminer le réseau de relations (i.e. digraphe) qui structure l’ensemble de variables retenues. Ainsi, la vulnérabilité et la résilience d’un pays sont appréhendées par un ensemble inter-relié de variables (dont 33 sont centrales au calcul du NVRI) et de dimensions (au nombre de 5).

L’algorithme B2A reflète un bon compromis entre un nombre réduit de variables et une synthèse de l'information suffisante sur les cinq dimensions à la racine de la vulnérabilité versus résilience. En effet, trop de variables pourraient impliquer un mode de calcul complexe et coûteux pour une évaluation de la vulnérabilité versus résilience sans pour autant apporter des enrichissements déterminants. En outre, cette méthode évite les choix arbitraires de variables car elle s'appuie sur la structure d’un réseau d'interdépendances entre les variables pertinentes.

L’algorithme B2A permet non seulement de structurer les liens de complémentarité entre les variables de vulnérabilité-résilience mais aussi de démontrer mathématiquement que les cinq dimensions (économique, politique ou gouvernance, sociale, environnementale, périphéricité) doivent être saisies simultanément dans un indice synthétique pour obtenir une compréhension globale des déterminants de la vulnérabilité et de la résilience.

La mécanique du NVRI

Une description du réseau de relations entre les cinq dimensions de vulnérabilité-résilience montre l'existence d'une liaison hiérarchique entre les dimensions. Le NVRI permet alors de distinguer :

  • Les dimensions économique et de gouvernance qui sont les deux seules à influencer les trois autres. Elles sont en cela appelées “dimensions de contrôle”.
  • Les dimensions environnementale, sociale et de périphéricité qui n'ont pas une telle capacité d’influence. Cela leur vaut d'être baptisées : “dimensions de contingence”. Elles contribuent à diminuer (renforcer) les faiblesses ou les performances économiques et la qualité de la gouvernance dans un pays donné, lui permettant ainsi d'augmenter sa résilience (sa vulnérabilité) par sa capacité à atteindre un certain niveau de développement durable.

La structure du NVRI est décrite en Figure 1.

Figure 1. La structure du NVRI

Figure 1. La structure du NVRI

Bates & Angeon (2015)

Ainsi conçu, le NVRI répond au respect de huit principes clés : précision, simplicité, rigueur méthodologique, facilité d'interprétation, robustesse du calcul, comparabilité, universalité et flexibilité. Cet indicateur global qui reflète la philosophie du développement durable permet d’identifier en un coup d’œil rapide les forces et les faiblesses d’un pays.